2___ Erwan.
ERWAN
J’ai
du mal à croire qu’elle m’ait adressé la parole, d’habitude, elle ne fait même
pas attention à moi. Si elle ne m’insulte pas et ne me ridiculise pas, comme la
plupart des filles avec qui elle reste, elle me calcule pas pour autant. Elle
est trop cool, trop belle, et aussi intelligente je pense. Je suis vraiment
content qu’elle m’ait parlé, ça m’a mis de bonne humeur pour le restant de la
journée.
Quand
je suis arrivé dans ce collège, j’étais maussade, car j’avais dû quitter mon
meilleur ami, avec qui j’ai gardé contact, et la fille pour qui j’avais le
béguin.
Mais
depuis le moment où Lucia est apparue pour la première fois dans mon champ de
vision, je suis plus qu’heureux que Maman ait été mutée.
Je
pense plus qu’à elle, c’est fou, je l’aime vraiment, elle et ses cheveux
châtains clairs mi-longs, ses yeux en amande, sa bouche en cœur, cette fille a
tout pour plaire.
Et
moi, je suis un petit gros, qui met les fringues de son grand frère, réputé
pour son humour… désastreux, qui se trimballe avec un sac de gamin, héritage de
mon grand frère également. Jamais je lui plairai.
-Eh
Erwan, faut que je te parle d’un truc !
Je
ne réponds pas à Fabien, et continue de divaguer.
-EH
OH, mec, tu m’écoutes ?
-Ah,
ouais, Fabien tu veux quoi...
-Ouais,
donc j’voulais te dire, ma sœur m’a acheté Portal pendant son voyage en Chine,
putain ça gère comme jeu ! Tu viens chez moi après les cours, et j’te
montre !
Typique
de Fabien. Il passe son temps à parler de jeu vidéo. Bon, c’est pas moi qui
irais dire ce sujet ne m’intéresse pas, mais à la longue, c’est gonflant. Sauf
que c’est mon seul ami, et c’est déjà mieux de traîner avec lui qu’avec
Jacques, donc je fais semblant de m’intéresser un minimum à ses déblatérations
inintéressantes.
Et
puis, j’aime bien ça les jeux vidéo, il faut l’avouer. C’est assez prenant, et
puis, en général je ne fais rien de bien passionnant le samedi après-midi, donc
ça comble mon ennui.
Le
samedi après-midi, Lucia, elle, doit sortir avec ses copines. Avec ses copains.
Des mecs beaux, marrants, parfaits quoi. Qu’est-ce qu’elle dirait si elle
savait que je passait la majeure partie de mes week-ends à m’empiffrer de crème
glacée devant des séries américaines, affalé dans mon canapé ? Je la
dégoûterais. Si c’est pas déjà le cas.
-On
a cours de quoi Fab’ ?
-Maths,
j’ai carrément la flemme… soupire-t-il en postillonnant sur les cheveux de
Johanna.
-Oh,
y’a pire hein.
Le
sport, par exemple. Quoi de plus honteux que de devoir trimballer ses
bourrelets sur cinq tours de terrain, et de devoir s’arrêter au bout de deux,
suffoquant, le visage rougi par l’effort, tandis que tu ne comptes plus les
fois où tu te fais dépasser par les champions de la classe.
-Pire ?!
Ouais c’est sûr, on trouve toujours pire, n’empêche… Tu sais j’trouve que le
prof a un peu la même tête que le boss du 3ème niveau de…
Et
c’est reparti. C’est vraiment une idée fixe chez ce mec.
-Euh,
Erwan, excuse-moi.
Camille
vient de me bousculer. C’est la meilleure amie de Lucia, et je l’aime bien,
elle aussi. Rien qu’à son visage, on peut discerner sa gentillesse, par la
douceur de son regard et de ses traits. Ses grands yeux marron chocolat me
fixent, un peu gênés. Je sais que je peux lui faire confiance, ce n’est pas une
pimbêche avide de ragots.
-Camille,
j’peux te parler ?
-Maintenant ?
S’étonne-t-elle.
-Euh
ouais.
Sous
le regard interrogateur de Fabien, nous nous dirigeons un peu à l’écart de la
masse grouillante d’élèves, près d’un escalier.
-T’avais
quoi à me dire ? dit-elle en rejetant ses longs cheveux tressés derrière
son épaule d’un mouvement de tête.
-En
fait, j’aurais voulu savoir, ce que… euh…
-Oui ?
-J’aurais
bien aimé que tu demandes à Lucia ce qu’elle pense de moi…
-Oh,
Erwan, t’es amoureux de Lucia ?!
Peut-être
aurais-je mieux fait de me taire. Maintenant que je suis grillé, autant jouer
cartes sur table.
-Ouais,
euh vite fait, hein. Mais lui dit surtout pas ! Demande-lui juste si elle
m’aime bien. Et le raconte à personne.
-Non
mais ne t’inquiètes pas, je suis pas une salope moi. Je lui dirai, promis.
-Merci,
t’es vraiment sympa.
-Bon,
‘faut qu’on aille en maths, tu viens ?
-Je
te suis.