1___ Lucia.
Le soleil m’arrive droit dans la tête, je commence à
avoir une de ces migraines…
-Eh, Erwan, Erwan !
Le gros garçon affalé devant moi émerge subitement de
sa léthargie, pour se retourner vivement, un sourire plaqué sur la face.
-T’as besoin de quelque chose Lucia ?
-Oui. Tire le rideau, s’il te plaît, j’ai le soleil
dans la gueule.
Il paraît déçu de ma requête, et s’exécute.
-Merci.
Ce simple compliment paraît le ravir au plus haut
point. J’aurais fait un heureux, aujourd’hui. Pourquoi ne pas le rendre
davantage, après tout ? Malgré les coups de poing qui martèlent
l’intérieur de ma tête, je tente d’engager la conversation.
-Erwan, il te reste combien de points pour avoir le
brevet ?
-Combien de… Euh, 23 !! Et toi ?!
répond-il, enjoué.
-Mais parle pas si fort Erwan !
-Euh, pardon. Il t’en manque combien ?
-52.
-Ah, euh… C’est… beaucoup, enfin, je veux dire, non…
-Merci.
-Non, mais j’voulais pas dire ça !
-C’est bon, j’sais que je suis nulle. Quand je serai
au lycée, je me mettrai à bosser, mais là… Bon c’est la fin de l’année, ça sert
pas à grand-chose de s’y mettre tout de suite.
-Tu vas au lycée ? Moi je pars faire de la
musique aux Etats-Unis, dès que j’ai mon brevet !
Je le fixe avec des yeux ronds.
-Jure.
-Non je blaguais, dit-il, le visage déformé de joie
par sa blague, qu’il doit juger excellente.
-Ha ha ha…
La sonnerie retentit. Mon dieu, enfin. Je n’aurais
pas du essayer de lui parler, jamais je ne pourrais nouer de liens avec un type
comme celui-là. En plus il est raide dingue de moi, je peux lire en lui comme
dans en un livre ouvert.
Je rassemble mes affaires dans mon sac à main marron, en cuir. Quand j’en ai fait l’acquisition, toutes les filles de la classe se sont extasiées dessus, et n’ont pas tari d’éloges à son égard. C’est toujours pareil.
Quand j’ai de nouveaux vêtements, quand je me fais une nouvelle
coiffure, quand je change de photo sur mon facebook, quoi que je fasse, les
gens le voient en bien. Je suis une sorte de fille « parfaite » que
tout le monde adore.
On ne m’admire que pour ces choses superficielles,
parce que je suis belle, sociable, mais jamais on ne cherche à gratter sous
cette surface lisse, polie, comme si ma vie n’était que bonheur.
Alors que mon malheur en fait partie intégrante.