14 ____Sylvain.
SYLVAIN
Je ne suis vraiment pas du genre à me préoccuper des sentiments des autres. En général, ils m’importent peu. Mais quand les reproches, voire les compliments, viennent de Clara, ça me tourmente pendant des heures. Surtout que j’ai l’impression que cette fille réagit de manière totalement aléatoire. Je viens de la défendre, et pour toute récompense, j’ai le droit à un regard haineux. Je ne sais vraiment pas ce qu’elle pense de moi. Elle peut être aussi adorable que sèche. Clara a un caractère lunatique, je crois, mais ses sautes d’humeurs sont encore plus incontestables en ma présence.
Aaaah cette fille est vraiment trop excentrique, mais… pourquoi ça lui donne autant de charme ?
Je pousse la porte de la salle d’anglais, la prof se sursaute et fait volte-face comme si un psychopathe venait de faire irruption au beau milieu de son cours.
-Sylvain! Where were you? You could hit before entering!
Je n’ai strictement rien compris, et marmonne un simple “yes...” en guise de réponse, avant de prendre place aux côtés de Lucille, qui est en train de dessiner des chapeaux sur sa trousse. Elle se tourne vers moi, et me scrute de ses grands yeux noirs.
-Quoi ? je lui demande.
-Alors, il s’est passé quoi ?
-Bah euh écoute, rien… Je l’ai laissée avec Johanna.
-Quoi ?! Mais t’es vraiment con en fait.
-Ta gueule ?
-‘Fallait rester avec elle pauvre type !
-C’est elle qui m’a dit de remonter !
-Depuis quand t’écoutes ce qu’on te dit, toi, hein ? Je rêve. Je prétexte avoir de l’allemand à terminer pour vous laisser un peu seuls, c’est tellement rare, et toi tu fous rien.
-Attends attends, depuis quand t’essaies de m’arranger des coups avec Clara ?
-Sylvain tu sers à rien.
-SHUT UP ! s’exclame Mme Goulecq, ruinant mes tympans par la même occasion.
Je n’ai pas spécialement envie de continuer à m’engueler avec Lucille, ni de me prendre un mot, alors je me tais. Le cours est, comme de coutume, d’un ennui mortel. Les minutes s’étirent paresseusement, pendant que la prof nous décrit les habitudes culturelles des Néo-Zélandais. C’est sûr que c’est le genre de trucs qui nous sera vital pour réussir dans sa vie professionnelle, par la suite.
La sonnerie, synonyme de ma délivrance, retentit enfin. Je rassemble mes affaires dans mon vieux Eastpack, et, en compagnie de Johann et Lucille, part à la rencontre de Clara. Son entretien a été plus rapide que prévu, puisqu’elle est assise dans les escaliers. Avec Johanna.