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Vue-du-ciel
13 avril 2010

5___ Clara.

CLARA

 -Eh, Clara, ça va ?

Mes yeux et ma joue me picotent légèrement, et je lève la tête vers Sylvain, la larme à l’œil. Ses pupilles marron, entourées de petits cercles transparents, sont un peu agitées par l’inquiétude.

-Oui, oui.

-Si t’as mal, tu peux le dire hein, t’as la joue en sang.

Je caresse mon visage, mes doigts se constellent vite de petites traces rouges foncées. Je prends un teint blafard, ce qui doit créer un contraste effrayant. Je n’aime pas le sang.

-Non ça va. Je vais aller me rincer le visage, et ça va partir, je pense.

Je m’éloigne précipitamment, pour cacher les larmes de douleur et de rage qui jaillissent de mes yeux. Me faire ridiculiser publiquement par Johanna, pourrait-on imaginer pire situation ?

Mon humiliation n’est cependant pas aussi complète que la sienne, et heureusement. Venir bourrée en cours, cette fille est décidément totalement stupide.

J’examine l’étendue des dégâts. J’ai le teint crayeux, et mes cheveux auburn sont en bataille. Quatre longues griffures parcourent ma joue droite. Elle m’a bien amochée…

-Clara ?

Je fais volte-face. Ce n’est que Lucille.

-Quoi ? fais-je d’une voix geignarde.

-Euh, c’est bon, ça saigne plus ?

-Si… Regarde !

-Ah ouais, quand même, dit-elle, en riant.

-Pourquoi tu rigoles ?

-Non mais j’repense à sa tête quand elle est tombée par terre, tout à l’heure, c’était assez comique.

-Elle m’a à moitié défigurée, c’est pas comique.

-Ah si, quand même, pouffe Lucille.

-Ouais… Toute la classe va se fiche de moi, à cause de ça, en plus…

-Je ne pense pas, affirme-t-elle, plus sérieuse. C’est plutôt Johanna qui va attirer l’attention, en fait.

-Ah, sur ce coup-là, elle s’est vraiment ridiculisée… Tant mieux ! j’ajoute en souriant.

Aïe. J’ai encore plus mal quand je souris.

-Je vais dire aux autres que tu vas mieux, et je reviens.

-Non c’est bon, je viens avec toi, ça ne saigne presque plus, de toutes façons…

C’est donc ensemble que nous regagnons l’endroit où nous avons laissé nos amis. Ceux-ci se sont mis à l’aise, en attendant le retour du professeur.

Laurianne est affalée entre les jambes d’Arnaud, sa tête reposant sur son épaule. Il la berce doucement, tout en jouant avec une mèche de ses cheveux bruns. Sylvain est adossé contre le mur, les yeux dans le vague, et Johan pianote sur son portable.

-Oh Clara, est-ce que ça va ? s’enquiert Laurianne.

-Oui ! je réponds en souriant, quand même heureuse que l’on s’en fasse pour moi.

Johan commence à farfouiller dans son sac, un Eastpack noir à porter en bandoulière, et en sort un paquet de mouchoirs. Il m’en tend un.

-Tiens, j’pense que ça risque de recommencer à saigner.

-Ouais, merci.

J’applique le papier contre ma joue, ça me brûle. Je m’assoie aux côtés de Sylvain.

-T’as vraiment une sale tête.

-Je viens de me faire frapper par une furie aux ongles limés comme des épées, à quoi tu t’attends ? je rétorque.

-T’essuies au mauvais endroit, t’as du sang plein la joue…

-Ah Sylvain tu m’énerves ! T’as qu’à le faire, toi, tiens, prend le mouchoir !

Je lui fourre dans les mains le Kleenex déjà presque usagé, qu’il regarde d’un air légèrement dégouté.

-T’en aurais pas un propre, plutôt ?

-Oh, c’est que du sang.

Sylvain se penche sur moi, et commence à me tamponner la joue avec le papier. Je devais m’y prendre mal, parce qu’avec lui ça ne brûle pas.

-On dirait une maman qui s’occupe de sa fille, dit Johan.

-Mais ta gueule, dit Sylvain en rigolant.

Il dérape légèrement, et m’arrache une grimace.

-Sylvaaain, fais gaffe !

-Pardon.

Je croise son regard préoccupé et me détourne aussitôt. Cette proximité n’est pas désagréable, mais un peu gênante, à vrai dire.

-Bon, j’pense que c’est bon, t’as qu’à tenir le mouchoir sur ta joue.

Je lui adresse un large sourire en guise de réponse. Lui m’ignore promptement, et retourne parler à Arnaud. Sylvain est quelqu’un de très taciturne, mais je n’apprécie pas ce genre d’attitude.

Une douleur à la nuque me saisit soudain. Ces raideurs sont de plus en plus fréquentes, depuis que j’ai eu une otite, il y a deux semaines. Il faudra que j’en parle à maman, si elle prend seulement le temps de m’écouter. Je me masse la nuque en grimaçant de douleur.

Mais voilà Evan qui s’approche, tout sourire.

-Ca va mieux, Clara ?

-Non, j’ai maaaaaal, je m’exclame en me jetant dans ses bras, feignant les sanglots.

Il me fait tourner de droite à gauche, tandis que je m’accroche à son T-shirt. Les autres se marrent.

-C’est trop mignon, dit Laurianne entre deux éclats de rire.

-Tu viens on va faire un tour, dit Evan.

Je ne peux pas résister à la joie contagieuse qu’émettent ses grands yeux, dont la teinte verte est exactement similaire à la mienne, et m’accroche à son dos, tel un bébé koala. Nous partons, hilares, comme deux gamins que nous sommes. J’improvise une petite chanson aux paroles répétitives que j’entonne tandis qu’il me trimballe dans le couloir du 2ème.

-Ah c’que t’es lourde Clara, redescends.

-Non.

Evan me fait basculer en arrière, et je m’écrase contre le sol, en poussant un petit cri strident.

-Mais j’suis handicapée, ça ne se fait pas Evan !

Je m’assois en tailleur, et le fixe d’un air boudeur.

-A ton avis, elle va avoir quoi Jo ?

-J’espère qu’elle sera virée, et ce sera tant pis pour elle.

-Elle peut être sympa, observe Evan.

-Comment tu peux dire ça ? je m’offusque. C’est une cruche ! Elle ne t’aime pas non plus.

Il se mord la lèvre inférieure, apparemment blessé. Evan est quelqu’un de profondément gentil, presque autant que Laurianne, alors lui faire de la peine me serre un peu le cœur.

Je lui enlace le cou, et lui murmure affablement :

-Désolée, en fait, je ne pense pas qu’elle te déteste tant ça. Juste que j’étais énervée contre elle.

-C’est bon, c’est rien. Au fait, ajoute-t-il tournant son visage vers le mien, ça avance avec Sylvain ?

Je rougis comme une tomate, et me décolle promptement de lui.

-Qu’est… Qu’est-ce que tu racontes ?

-Oh allez, c’est bon, vous êtes trop mignons tous les deux, dit Evan en essayant de m’attraper les joues.

Je me lève, comme si on avait fait quelconque offense (à vrai dire, c’est le cas), et retourne en direction de la salle de classe.

-Clara !

-Je ne t’écoute pas !

-Oh c’est bon Clara, j’te taquinais !

Je fais volte-face, et tombe nez-à-nez avec un garçon hilare, qui tente de me rattraper.

-Moi, je trouve pas ça drôle.

-Bon allez on va en cours.

-Ouais, ah mais Evan, j’te préviens ! T’as pas intérêt à avoir un sourire, euh, narquois, quand je parlerai avec Sylvain.

-Non, je serai sage.

Les choses étant mises au clair, nous nous dirigeons vers notre salle de cours. Les autres ne sont pas encore rentrés. Il en met, un temps, M. Marchal !

-Allez, on se range sur le côté du couloir !

Quand on parle du loup.

Je me joins au rang d’élèves, et me place aux côtés de Lucille, tandis que le prof nous fait pénétrer dans la salle de classe.

Après nous avoir fait asseoir, et réclamé le silence, M. Marchal prend la parole, le semblant grave :

-J’aimerais savoir ce qu’il s’est passé avec Johanna.

Bien évidemment, personne ne pipe mot.

-Elle semblait, à vrai dire, un peu confuse. Mais elle a réussi à me faire comprendre qu’une de ses camarades l’avait agressée.

Oh, c’est pas vrai… Dans quelle galère me suis-je embarquée ?

-Oui Clara, c’est à toi que je m’adresse, enchaîne-t-il en se tournant vers moi.

-Mais m’sieur, j’ai rien fait !

-Ce n’est pas ce que semblait vouloir dire Johanna. Elle était en larmes, figure-toi.

Je suis indignée. Mais que cherche cette fille ? Je n’aurai, de toutes manières, pas de mal à me disculper.

Je considère M. Marchal d’un œil flegmatique.

-Elle vous a menti, moi je n’y suis pour rien. C’est elle qui m’a frappé, en plus, regardez ce qu’elle m’a fait, je dis en montrant ma joue blessée.

Ce professeur est assez fourbe, en fait. En réglant ses comptes avec moi en présence des autres élèves de la classe, il pense certainement que j’aurai plus de difficultés à me défendre. Il se fourre le doigt dans l’œil.

-Il doit bien y avoir une raison à cette affaire, tout de même. Johanna ne t’aurait pas frappée sans raison, tout de même, tu dois avoir une part de responsabilités, et ce serait bien que tu l’assumes, Clara.

-Vous avez qu’à demander aux autres, j’vous jure que j’ai rien fait !

Un silence de plomb s’abat sur la salle.

-Alors ? demande le professeur, à l’attention de tous les élèves.

Mais qu’est-ce que je fais parmi ces empotés ? Ils pourraient quand même m’aider, je ne sais pas, moi !

Laurianne, loué soit son nom, prend finalement la parole :

-Euh, en fait elle a raison, Johanna a un peu… pété un plomb.

Ses mots sont suivis d’un mouvement d’approbation général. Je me tourne vers le prof, l’air incroyablement suffisant.

-Très bien. Clara, il faudra tout de même que tu passes au bureau de la CPE, demain, à 10 heures, pour t’expliquer avec Johanna.

La belle affaire ! Ils ne s’imaginent pas une seule seconde que j’ai peut-être des choses plus importantes à régler que de m’expliquer avec une fille hystérique traversant une difficile (surtout pour son entourage) crise d’adolescence ?

-Oui oui…

-Bien, nous allons donc reprendre le cours sur les chromosomes, je disais donc au cours précédent que la trisomie 21 est une anomalie du…

Je plonge alors dans un état second et m’endors à moitié sur ma paillasse. 

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Commentaires
M
J'adooooooooooooooooooooooooooooooooooooooore
C
Aussi cool que le reste. :)
A
J'adore! (:<br /> C'est vraiment super, mais je crois que ça j'avais déjà lu. Vivement la suiiiite (yn)
Vue-du-ciel
  • Quelques écrits, griffonnages, sans prétention aucune, tout simplement pour le plaisir de s'évader, même si ce n'est que le temps d'un chapitre. Writing is my passion. Writing is my best friend. Writing is my drug. Writing is my girlfriend.
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