10____ Gilles.
-…
Mais j’veux pas sortir avec elle.
-Ouais,
genre. Elle est trop mignonne cette fille, enfin moins que sa copine là, Lucia,
mais bon, avoue, elle est pas mal !
-J’avoue…
J’la préfère à Lucia en fait.
-Arrête,
elle est trop belle cette meuf, elle me fait penser à la fille de la pub pour
Stéfane devant le Super U.
-J’aime
trop tes références...
-Mais
j’ai raison. Mais bon… Camille ? T’en penses quoi ?
-Bah
elle est sympa… Et puis arrête tu me gonfles. T’as un mec en vue toi ?
-Ouais !
Tu sais pas, l’allemand qui est arrivé y’a à peine une semaine, Hans, il est
bien non ?
Je
tente de mettre un visage sur ce prénom, ce qui nécessite un temps de réflexion.
-Le
gars brun qui jongle souvent avec Evan devant le bahut ?
-Oui
oui, celui-là.
-Ah
je vois, celui qui a une espèce de chaussette sur la tête.
-T’es
con, c’est pas une chaussette ! s’exclame Océane. Il a du style.
Nous
arrivons devant la maison de Camille. Cette dernière nous attend, assise sur un
muret qui borde le trottoir. Elle est jolie, certes, mais je lui trouve un
quelque chose de spécial qui fait toute la différence.
-Salut !
La
voix d’Eléonore la tire de ses pensées, elle sursaute et se tourne vers nous.
-Ca
va ?
Je
me penche pour lui faire la bise. Je ne surpasse que de très peu son mètre 72.
Sa joue vient caresser la mienne, elle est douce de fond de teint, mais
légèrement granuleuse.
-Ouais,
la forme, et toi ? m’enquis-je.
-Oui,
oh tu sais pas, Anaëlle m’a appelé hier soir. Elle est partie de chez elle.
-Anaëlle ?
La pute qui a redoublé sa 5ème, avec des lunettes à la Camélia
Jordana ? intervient ma sœur, toujours très classe.
-Non
mais elle est vachement sympa, objecte Camille.
-Pff,
bah voyons…
-Bon
ta gueule Eléonore, je lui souffle discrètement, par peur que Camille ne se
vexe. Pourquoi elle est partie de chez elle ?
-Elle
avait des problèmes avec sa mère… Enfin, tu vois de quoi je parle. Bref, elle
n’en pouvait plus, elle a lui piqué de l'argent ou des bijoux, je crois, et elle s’est barrée
chez son père. C’est fou, quand même…
-Ah
ouais… Mais elle s’est disputée avec sa mère ? J’sais pas, partir comme
ça, c’est pas rien quand même…
-Je
crois qu’elle était à bout, surtout ces temps-ci, tu sais, elle a rompu avec Simon
samedi dernier…
La
conversation alla bon train, entrecoupée de temps à autre par les réflexions
perfides d’Eléonore, qui se tint néanmoins relativement silencieuse.
L’air
sentait bon l’été. Les chemisiers, robes et autres tissus légers étaient de
mise. Camille arborait un haut rouge à manches courtes en soie, et un pantalon
en toile blanc. Eléonore avait un débardeur noir un peu trop moulant, qui ne
valorisait pas franchement ses formes, et un sarouel blanc. Moi, je portais un
vieux T-shirt vert délavé, et un jean simple.
Comme
tous les matins, nous avons coupé par le grand parc, la chaleur du soleil
commençait juste à éclipser la fraîcheur matinale, et des gosses étaient déjà
en train de s’amuser aux fontaines, tandis des vamps avaient d’ores et déjà
pris possession des bancs qui entouraient l’aire de jeux.
Notre
trajet débouchait ensuite dans une des rues principales de la vieille ville
bordée de magasins de fringues, de marchands de glace, de librairies, ou encore
de restaurants.
Nous
arrivons finalement au collège. C’est un lieu composé de deux grands bâtiments
rectangulaires, et d’un gymnase situé plus en hauteur. Un grand escalier en
colimaçon à la paroi vitrée rattache les deux édifices, qui sont faits de
pierre grise, sale et terne, et tapissés de carreaux bleus en dessous des
fenêtres. La cour est dépourvue de toute végétation, totalement goudronnée,
quelques bancs sont disséminés ça et là. On accède à la construction par un
escalier, qui donne sur la rue. La plupart des élèves vont là pour s’en griller
une, où tout simplement pour se détendre avant de reprendre les cours.
Eléonore
va rejoindre ses amis de première, alors que nous nous dirigeons vers Marie,
Yohann et Lucille. Cette dernière est en train de fumer, alors que les deux
autres sont à moitié avachis l’un sur l’autre.
-Salut…
-Coucou !
s’exclame Marie, au taquet.
-Vous
étiez pas en cours hier ?...
Marie
se met à glousser, et coule un regard attendri en direction de Yohann. Je
rigole aussi.
-Ah
ok. Lulu, tu me files une taffe ?
Lucille
me fixe froidement, puis un mince sourire étire ses lèvres.
-T’arrêtes
de m’appeler Lulu, et peut-être, ouais.
-Ok
Lulu !
-T’es
chiant ! Tiens, prends !
Je
tire une bouffée de fumée, c’est agréable. Je la laisse descendre le long de ma
gorge, avant de l’expulser par le nez. Marie, Camille et Lucille entament une
grande discussion sur Sébastien, qui vient de passer devant nous.